printemps 1980 : Je termine mes études à l'école normale de Grenoble par un stage en situation de 2 ou 3 semaines en maternelle. Un stage en situation, c'est une période plus ou moins longue où l'on a la responsabilité entière d'une classe. Le titulaire est lui-même en stage de recyclage, alors à nous, les normaliens, de nous débrouiller. Je suis avec un de mes camarades, Pierre, dans une petite école de Fontaine. J'ai les "moyens" et lui a les "petits". Par la porte vitrée qui sépare nos deux classes, je l'aperçois parfois qui plie en huit sa grande carcasse de deuxième ligne de rugby au milieu des gamins ravis. Je garde un souvenir émerveillé de ces instants passés dans cette école, dirigée avec doigté et extrême gentillesse par Bernadette, adorable demoiselle en fin de carrière. Une école de banlieue sans problèmes, avec des bambins de toutes les couleurs, de tous les horizons, avides et volontaires, des parents souriants, confiants.
Mais plus encore que ces instants-là, est restée gravée dans ma mémoire une phrase prononcée par l'inspecteur départemental chargé de notre groupe et qui venait nous inspecter pendant le stage :"Il faut qu'à chaque minute de classe, vos élèves aient acquis quelque chose."
À l'époque, j'avais trouvé cette phrase extrême, s'agissant de la maternelle et d'enfants de cet âge. Mais elle dénotait une volonté farouche de notre hiérarchie d'éduquer les petits habitants de notre pays. Elle indiquait clairement l'importance qu'il y a, dans une démocratie digne de ce nom, à ce que la population, quel que soit son âge, soit éclairée, cultivée. Et pourtant, nous étions sous Giscard !
été 2008 :
Voilà ce que dit Xavier Darcos, ministre de l'Éducation Nationale, à propos de l'école maternelle :
« Est-ce qu'il est vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crédits délégués par l'État, que nous fassions passer des concours bac +5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ? »
(Voir la vidéo)
Cette remarque montre d'abord que le ministre ne sait pas de quoi il parle. En effet, pour être scolarisés, les enfants doivent être propres. C'est "la" condition. Outre qu'elle est insultante pour les instituteurs et institutrices de maternelle, elle montre le mépris de Monsieur Darcos pour le personnel dont il a la charge. Et surtout, elle dit clairement que l'éducation en France est, pour lui comme pour le chef de l'État, un domaine dont il serait bon de se dessaisir très vite afin de le transférer au secteur privé. Lire la page sur l'OMC et l'AGCS
L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), quant à elle préconise de consacrer davantage d'argent à la petite enfance. Lire l'article. Je pense qu'avec Luc Chatel, nous sommes dans la droite ligne de Xavier Darcos.
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