Mohikkan

"Les résultats ont été positifs. On a fait faire le même examen dans un autre laboratoire, puis une biopsie, puis une coloscopie. Il n'y avait pas de doute, j'avais un cancer (...) J'ai eu une peur épouvantable. (...) J'ai téléphoné à mon psychanalyste pour lui dire que je voulais le voir plus vite que prévu, et je me suis amenée chez lui un soir avec tout le dossier de mes examens.

Il a regardé les examens avec une très grande attention. Ça a pris un bon moment. Moi, j'étais assise en face de lui (...) et je le regardais faire. Il a fermé le dossier il est resté un moment pensif puis il a levé son regard vers moi et il a dit : « Vous êtes contente ? » Ça m'a sidérée. Je m'attendais à tout sauf à ça."

Marie Cardinal (« Les mots pour le dire »)

Alors ça y est? On y est. On l'a ou on va l'avoir. Marine est là et ce n'est pas une chanson de Tino Rossi. On y est et c'était tellement prévisible. Aussi prévisible que les attentats du 13 novembre 2015, j'y reviendrai.

Il y a vingt ans, le Charlie Hebdo de Philippe Val (comme je l'aimais alors; comme il m'a déçu depuis!) appelait, avec d'autres, à interdire le FN. J'étais férocement contre cette idée. On n'interdit pas la plus mauvaise part de soi. Or c'est précisément ça, le FN.

Il gonfle avec les désillusions et les trahisons des brandisseurs de démocratie, ceux que l'on a au pouvoir depuis 50 ans. Il se dégonfle un temps au gré des (fausses-) promesses et des (faux-) espoirs. Même les plus sots de nos concitoyens ont fini par comprendre qu'à force de voter contre le dernier menteur avéré et pour celui qui fait croire à une alternance, on finit par voter toujours pour les mêmes; ce que Marine Le Pen appelait très judicieusement l'UMPS. Honte à ces siamois-là!

On n'interdit pas la plus mauvaise part de soi-même : on essaie de s'améliorer. On combat ses défauts et on développe ses qualités. Quels sont les atouts de la France dans ce monde de guerre économique et financière permanente et sans pitié ? Elle n'a ni la combativité des Asiatiques, ni la discipline et la rigueur des Allemands, ni la conviction que Dieu est avec elle comme les États-uniens, ni, ni, ni... Elle a pour elle son histoire dont se sont inspirés tous les peuples qui souhaitaient s'émanciper de la tyrannie, elle a ses valeurs humanistes et son système social hérité du Conseil National de la Résistance. Elle a aussi pour elle une certaine idée de la vie que s'emploient à éradiquer les assoiffés de richesse et de pouvoir qui mènent la danse. Ce sont ces étendards-là qu'il fallait agiter à la face du monde comme une alternative au suicide collectif que nous imposent les charognards de Wall Street ou de la Londonienne-city, grignotant un à un tous les pans de notre vie. On peut imaginer que les peuples auraient suivi.

Au lieu de cela, qu'ont fait les menteurs professionnels qui se sont succédé au pouvoir tout en accusant l'autre siamois de faire le jeu du FN ? La droite a cassé tout ce qu'elle pouvait de nos protections sociales pour tenter de prendre une impossible place dans un trafic libéral humainement et écologiquement calamiteux, et la gauche a trahi un à un tous ses idéaux pour faire la même chose sans en avoir l'air. Un seul exemple : le système éducatif français est passé en 30 ans du statut d'exemple de réussite à celui de champ de ruines. Notre système social devrait servir d'axiome à tout système économique. Or, il est incompatible avec la privatisation systématique du monde que les USA et maintenant l'Europe appellent de leurs vœux. La guerre économique totale n'a que faire des personnes âgées seules et démunies, de la gratuité des transports publics, ou des soins dentaires. Mieux, quand elle le peut, elle enfonce les plus faibles pour faire sur leur dos d'autres stériles profits.

En 1792, Danton, contre une Europe royaliste coalisée contre la France prônait « De l'audace, toujours de l'audace ! ». Faute d'en avoir eu, le pays de la Révolution est à l'aube d'être au XXI ème siècle le premier grand pays à donner le pouvoir à un parti d'extrême droite. Vraiment de quoi être fier de nos élus. Belle république en vérité !

Après les accords de Munich qui livraient en 1938 la Tchécoslovaquie à Hitler, Winston Churchill avait déclaré : « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre ». Les élus des partis siamois démagocratiques ont préféré leurs portefeuilles ou leurs sièges de députés au courage qui caractérise les grands hommes. En faisant allégeance au libéralisme, ils ont livré la France au FN.

Quant à moi, je ne voterai évidemment pas pour le cancer brun-bleu-marine mais j'en ai également fini de donner carte blanche au deuxième tour au choléra droite-gauche-libéraux-suicidaires.

Advienne que pourra.

ps : Nous avons en Rhône-Alpes-Auvergne une liste d'union (écolos, Front de gauche, parti de gauche, Nouvelle donne ...) J'espère qu'ils auront quelques élus pour faire entendre la voix du peuple, l'éternelle oubliée des élections.