Un homme, jeune et fort, si fort, si sûr de lui; viril, bien sûr, pas trop; peau mate, cheveux brillants, méditerranéen, barbe soigneusement mal rasée, torse puissant et glabre - le poil est passé de mode. Regards de braise, regards de glace...
Une voiture, forcément un monstre, racé, courbes épurées, moteur énôôôôrme, intérieur cuir et ronce de noyer, décapotable...
Au cœur de la nuit ou au petit matin, des avenues désertes, des monuments célèbres, la quintessence de la création humaine, des lieux de rêve, hôtels de luxe, palaces illuminés, lustres de cristal, œuvres d’art, plafonds dans les nuages, escaliers en marbre, jeux de caméra, violons suaves, savants ralentis, drapés, transparences, bijoux, reflets, stars, sunlights, rendez-vous, fuites, caprices,... Le luxe jusqu’au ridicule.
Pas de doute, c’est une publicité pour un parfum. C’est normal, c’est la saison. Bientôt Noël, il faut s’en-cadeauter, c’est la loi des annonceurs. Alors on promeut le luxe À la Française, et surtout sur Canal+, cette chaîne parfaitement schizophrène, qui aux Guignols de l’info fustige les ordures de la World Company tout en cirant à longueur d’année les pompes de la jet-set parisienne et internationale. C'est donc reparti pour une puborrhée pré-natale vantant les délices de toutes ces choses que le commun des mortels ne pourra jamais s'offrir.
Rassure-toi, commun mortel, ce n’est pas grave. On n’en meurt pas, au contraire. Car ici, dans ces spots hideux, pas de sourire, pas de paroles, pas de situation vraie, pas de vivant, pas d’humain. Des rues vides, des villes désertes, le monde réduit aux crépitements des flashlights et des défilés de pornhautecouture. Ici, le vrai monde n’existe pas. Le luxe est tellement «égoïste», qu’il en a fait un flacon (Chanel). Ici, tout est artifice, frelaté, mode, look, tendance, concept, design. Tout est faux, tout est mortellement ennuyeux. Ça sent le vide, l’ennui, la mort, la frustration. Le luxe jusqu’à la nausée.
Comme c’est le temps des cadeaux, ami lecteur, je vais t’en faire un : C’est une photo que j’ai faite à Genève. Rassure-toi, pas dans le quartier des banques, ces établissements dignes, respectables qui saignent consciencieusement la planète, avec toute la précision de l’horlogerie suisse. Non, je l’ai prise au bout de la rue de Carouge, juste avant le pont sur l’Arve, pour ceux qui connaissent, dans le quartier populaire des Minoteries. C'est un très beau slogan, évidemment effacé depuis, qui me fait pleurer de joie et d'espoir chaque fois que je le vois. Merci à celui qui l'a écrit là, si par hasard, il passe chez le Mohikkan.
Personnellement, j'adore le "Fuck Noël!"