Mohikkan - À lire, écouter, voir2016-01-23T21:38:00+01:00urn:md5:3ff9c51e89111008a2c3ceca6b17294fPluXml 5.0.2La pléonexie, un mal de riches ou le mal de tous ?urn:md5:3d2ba3bf40d116bc94c1992837c435ba2016-01-23T21:38:00+01:00MohikkanÀ lire, écouter, voir<p>Savez-vous ce qu'est la <strong>pléonexie</strong> ? Je viens, quant à moi, de l'apprendre en écoutant une passionnante émission de la radio Suisse-Romande, «<strong>Babylone</strong>» sur <strong><a href="https://www.rts.ch/espace-2/">Espace-2</a></strong>. Habitant tout près de la Suisse, j'apprécie depuis longtemps nombre d'émissions de nos amis helvètes, et notamment <a href="https://www.rts.ch/couleur3/">Couleur3</a> la bien nommée, mais voilà une pépite que je ne connaissais pas, au podcast duquel je vais m'abonner immédiatement.</p>
<p style="text-align:center"><img src="http://www.mohikkan.fr/data/images/divers/babylone.jpg" alt="émission babylone" /></p>
<p>D'après <strong>Dany-Robert Dufour</strong> l'invité de l'émission, La <strong>pléonexie</strong> désigne le fait de « vouloir plus que sa part », et renvoie en premier lieu à une attitude de « démesure » que les Grecs anciens assimilaient à une déviance, faisant de la pléonexie un tabou du même ordre que l’inceste.</p><p style="text-align:center"><img src="http://www.mohikkan.fr/data/images/divers/0pleonexie-babylone.jpg" alt="définition de la pléonexie" /></p>
<p>On devine sans mal, l’actualité brûlante de ce terme qui nous vient pourtant de très loin. Inutile d'en dire plus et plus mal, il suffit d'écouter <strong>Dany-Robert Dufour</strong> <a href="https://www.rts.ch/espace-2/programmes/babylone/7315499-babylone-du-31-12-2015.html">ici</a>...
</p>
<p>
Pour compléter cette émission, on pourra lire le livre de <strong>Dany-Robert Dufour</strong>, <em>Pléonexie</em> aux éditions Le Bord de l'eau ou celui de <strong>Naomi KLEIN</strong> : "<em>Tout peut changer - Capitalisme et changement climatique</em>" aux éditions Actes Sud.</p>Comme il sent bon leur fumier !urn:md5:16888a0764c2eed96127ffb0d35fa8fb2011-04-23T21:51:00+01:00MohikkanÀ lire, écouter, voir<p>Une amie vient de m'envoyer ce beau texte de <strong>Fred Vargas</strong> : <br />
"<em> Les lendemains qui chantent, nous y sommes."</em><br />
Il y a quelque temps, un autre ami m'avait prêté un splendide DVD:<br />
"Bernard, ni Dieu, ni chaussettes." Un magnifique hommage au poète <strong>Gaston Couté.</strong></p>
Comme il sent bon leur fumier, à côté des déjections putrides du capitalisme triomphant (de bêtise) !<br />
Je vous laisse apprécier...<p style="text-align:center"><strong>Les lendemains qui chantent, nous y sommes.</strong></p>
<p>"Nous y voilà, nous y sommes.<br />
Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes.<br />
Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal.<br />
Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance, nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine. Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés.<br />
On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu. <br />
Franchement on s’est marrés.<br />
Franchement on a bien profité.<br />
Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.<br />
Certes.<br />
Mais nous y sommes.<br />
A la Troisième Révolution.<br />
Qui a ceci de très différent des deux premières ( la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie.<br />
« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.<br />
Oui.<br />
On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies. La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau. Son ultimatum est clair et sans pitié : "Sauvez-moi, ou crevez avec moi" (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).<br />
"Sauvez-moi ou crevez avec moi"<br />
Évidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux. D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance.<br />
Peine perdue.<br />
Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais.<br />
Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, – attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille - récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés).<br />
S’efforcer.<br />
Réfléchir, même.<br />
Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.<br />
Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde.<br />
Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.<br />
Pas d’échappatoire, allons-y.<br />
Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible.<br />
A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie – une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut-être.<br />
A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.<br />
A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore."</p>
<h3>Fred Vargas Archéologue et écrivain</h3><br />
<br />
<br /><br />
<br />
<br />
<p style="text-align:center"><strong>L'ODEUR DU FUMIER</strong></p>
<p>C'est eun' volé' d'môssieux d'Paris<br />
Et d' péquit's dam's en grand's touélettes<br />
Qui me r'gard'nt curer l'écurie<br />
Et les "téts" ousque gît'nt les bêtes :<br />
Hein ?... de quoué qu'c'est, les villotiers,<br />
Vous faisez pouah ! en r'grichant l'nez<br />
Au-d'ssus d'la litière embernée?...<br />
Vous trouvez qu'i' pu', mon feumier?<br />
<br />
Ah ! bon guieu, oui, l' sacré cochon !<br />
J'en prends pus avec mes narines<br />
Qu'avec les deux dents d' mon fourchon<br />
Par oùsque l' jus i' dégouline,<br />
- I' pu' franch'ment, les villotiers !<br />
Mais vous comprendrez ben eun' chouse,<br />
C'est qu' i' peut pas senti' la rouse ! ...<br />
C'est du feumier... i' sent l' feumier !<br />
<br />
Pourtant, j'en laiss' pas pard'e un brin,<br />
J' râtle l' pus p'tit fêtu qu'enrrouse<br />
La pus michant' goutt' de purin,<br />
Et j' râcle à net la moind'er bouse !<br />
- Ah ! dam itou, les villotiers,<br />
Malgré qu'on seye en pein' d'avouer<br />
Un "bien" pas pus grand qu'un mouchouer,<br />
On n'en a jamais d' trop d' feumier !<br />
<br />
C'est sous sa chaleur que l' blé lève<br />
En hivar, dans les tarr's gelives ;<br />
I' dounn' de la force à la sève<br />
En avri', quand la pousse est vive !<br />
Et quand ej' fauch' - les villotiers !<br />
Au mois d'Août les épis pleins<br />
Qui tout' l'anné' m' dounn'ront du pain,<br />
Je n' trouv' pas qu'i' pu', mon feumier !<br />
<br />
C'est d' l'ordur' que tout vient à nait'e :<br />
Bieauté des chous's, bounheur du monde,<br />
Ainsi qu' s'étal' su' l' fient d'mes bêtes<br />
La glorieus'té d'la mouésson blonde...<br />
Et vous, tenez, grous villotiers<br />
Qu'êt's pus rich's que tout la coummeune,<br />
Pour fair' veni' pareill' forteune<br />
En a-t-y fallu du feumier ! !!<br />
<br />
Dam' oui, l' feumier des capitales<br />
Est ben pus gras que c'ti des champs :<br />
Ramas de honte et de scandales...<br />
Y a d'la boue et, des foués, du sang !...<br />
- Ah ! disez donc, les villotiers,<br />
Avec tous vos micmacs infâmes<br />
Ousque tremp'nt jusqu'aux culs d'vos femmes...<br />
I' sent p'tét' bon, vous, vout' feumier?...<br />
<br />
Aussi, quand ej' songe à tout ça<br />
En décrottant l' dedans des "téts"<br />
J' trouv' que la baugé' des verrats<br />
A 'cor comme un goût d' properté !<br />
Et, croyez-moué, les villotiers,<br />
C'est pas la pein' de fèr' des magnes<br />
D'vant les tas d'feumier d' la campagne :<br />
I' pu' moins que l'vout'... nout' feumier !</p><br />
<br />
<h3>Gaston Couté (1880-1911)</h3>Staff Benda Bilili (2)urn:md5:0745c468fdb95572b23c843b1f5e6b4e2011-04-09T22:27:00+01:00MohikkanÀ lire, écouter, voir<p>Ce petit billet fait suite au précédent. Je ne fais que copier-coller ici le texte d'introduction de l'émission <strong>" Nous autres "</strong> animée par <strong> Zoé Varier </strong> sur France Inter.</p>
<br />
Si vous voulez écouter ou podcaster cette émission intéressante et optimiste, vous trouverez le lien de son émission <a href="http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/nousautres/">ici.</a><p>"A l’occasion de la tournée des Benda Bilili en France, retour à Kinshasa pour une répétition avec les musiciens dans le zoo de la ville.</p>
<p>Cette émission a été diffusée pour la première fois, le 24 Avril 2009.</p>
<p>Kinshasa est une ville sans eau, sans électricité, une ville sans route, sans transports, une ville où il n'y a plus de livres dans les bibliothèques, plus de médicaments dans les hôpitaux, plus d'œuvres dans les musées, plus d'animaux dans le zoo. Une ville où les enfants ne vont plus à l'école</p>
<p>Kinshasa est une ville qui se délabre, qui se délite, qui s'effrite. Ruinée, déglinguée, Kin se déconstruit inexorablement, disparaît petit à petit.
</p>
<p>Dans cette ville sale, boueuse, couverte d'ordures, aux égoûts à ciel ouvert, dans ce décor infernal et chaotique, les Kinois résistent et refusent de lâcher prise. Ici chacun se débrouille à sa façon pour survivre. A Kin tout s'achète, se vend et se revend, tout se monnaye. Les enseignants ne sont plus payés depuis des années, alors pour survivre, ils exigent de l'argent auprès des parents des élèves pour dispenser leur savoir, les médecins font pareil, il faut payer pour être soigné, sinon vous mourez.</p>
<p>A Kinshasa tout le monde extorque tout le monde. Les fonctionnaires aux salaires insuffisants monnayent leurs services, les policiers rackettent les automobilistes. Les employés du service public ont privatisé leur emploi en quelque sorte, c'est le seul moyen d'obtenir de quoi vivre, et celui qui ne se livre pas à ce sport est déjà mort.</p>
<p>C'est comme ça que l'on s'en sort à Kinshasa, au jour le jour, demain n'existe pas.
</p>
<p>Misérable, infernale, abandonnée à elle même, Kinshasa a aussi parfois des allures de fiction, de ville imaginaire où chacun travaille tout en sachant que son emploi n'existe plus, comme cette employée de la Poste qui n'est plus payée depuis des années, elle continue à se rendre à son travail contre tout réalisme. Elle vient à la Poste parce que c'est une manière d'espérer, une façon de résister au désespoir, et de se convaincre qu'un jour le travail renaîtra.
</p>
<p>C'est ce que croient aussi les musiciens du Staff Benda Bilili, ils sont mendiants, vendeurs à la sauvette, ils sont tous handicapés, polios, ils sont des crèves la faim et ils chantent divinement bien, ils chantent leur vie de misère, la richesse du Congo, ils chantent l'espoir et la nécessité de lutter pour que le pays renaisse de ses cendres."</p>Eric Toulis : La java du caniveauurn:md5:92ec64a793ef718f4fea07600f54f9612011-02-13T19:05:00+01:00MohikkanÀ lire, écouter, voirVous aimez Brassens ? Vous ne connaissez pas encore son digne héritier ? Alors allez le voir en concert ou achetez ses disques : "Soyons classe" et "Soyons bref".
<p>Tour à tour émouvantes ou très drôles, sociales ou coquines, ses chansons ne laissent pas indifférent. Un chanteur rare dont les qualités authentiques détonnent au milieu de tous ces "produits" de masse adoubés par la médiocratie médiatique. A bas la soupe, vive Toulis !</p>
En attendant voici deux petites vidéos qui montrent bien deux aspects de son original répertoire : <a href="http://www.dailymotion.com/video/xei2j9_eric-toulis-brahim-haiouani-la-java_music">"la Java du caniveau"</a> et <a href="http://www.dailymotion.com/embed/video/xehzoq?width">"Gare aux morilles."</a>Staff Benda Bililiurn:md5:563ea4fe0bb7e8c951075270fd3ac1542010-11-03T21:57:00+01:00MohikkanÀ lire, écouter, voir<p>Si vous aimez la musique africaine et les histoires incroyables, courez acheter le disque de Staff Benda Bilili, <em>'Très très fort'</em>, les voir sur scène ou voir le film qui raconte leur incroyable parcours. C'est une leçon de vie pour tous. Puisse la classe dirigeante qui est en train de s'emparer du monde s'en inspirer.</p><br /><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Staff_Benda_Bilili">Lire l'article de Wikipedia</a><br />
<br />
<p style="text-align:center"><img src="http://www.mohikkan.fr/data/images/photos/benda-bilili/staff2.jpg" alt="Le groupe des Benda Bilili sur leurs chaises roulantes" /></p>
<a href="http://www.evene.fr/culture/agenda/staff-benda-bilili-30170.php">Staff Benda Bilili en tournée</a><br />
<br />
<p style="text-align:center"><img src="http://www.mohikkan.fr/data/images/photos/benda-bilili/benda-bilili.jpg" alt="l'affiche de leur film" /></p>Le petit prince et le businessmanurn:md5:ccb6291daf6fb736ed0b80d7aba37bb22010-10-28T01:03:00+01:00MohikkanÀ lire, écouter, voir<span style="color:#e64151">Cet extrait fait suite à l'article de mon blog sur l'OMC et l'AGCS.
Il faut se méfier des gens sérieux et des hommes d'affaires. Quiconque vous propose une bonne affaire est certain, lui, d'en réaliser une. Vous, c'est moins sûr ! J'aime ce qu'écrivait Saint-Exupéry. Et vous ?</span><br />
<br />
"- Bonjour, lui dit celui-ci. Votre cigarette est éteinte.<br />- Trois et deux font cinq. Cinq et sept douze. Douze et trois quinze. Bonjour. Quinze et sept vingt-deux. Vingt-deux et six vingt-huit. Pas de temps de la rallumer. Vingt-six et cinq trente et un. Ouf! Ça fait donc cinq cent un millions six cent vingt-deux mille sept cent trente et un.<br />- Cinq cents millions de quoi?<br />- Hein? Tu es toujours là? Cinq cent un million de... je ne sais plus... J'ai tellement de travail! Je suis sérieux, moi, je ne m'amuse pas à des balivernes! Deux et cinq sept...<br />- Cinq cent millions de quoi, répéta le petit prince qui jamais de sa vie, n'avait renoncé à une question, une fois qu'il l'avait posée.<br />Le businessman leva la tête:<br />- Depuis cinquante-quatre ans que j'habite cette planète-ci, je n'ai été dérangé que trois fois. la première fois ça a été, il y a vingt-deux ans, par un hanneton qui était tombé Dieu sait d'où. Il répandait un bruit épouvantable, et j'ai fait quatre erreurs dans une addition. la seconde fois ça a été, il y a onze ans, par une crise de rhumatisme. Je suis sérieux, moi. la troisième fois... la voici! Je disais donc cinq cent un millions...<br />- Millions de quoi?<br />Le businessman comprit qu'il n'était point d'espoir de paix:<br />- Millions de ces petites choses que l'on voit quelquefois dans le ciel.<br />- Des mouches?<br />- Mais non, des petites choses qui brillent.<br />- Des abeilles?<br />- Mais non. Des petites choses dorées qui font rêvasser les fainéants. Mais je suis sérieux, moi! Je n'ai pas le temps de rêvasser.<br />- Ah! des étoiles?<br />- C'est bien ça. Des étoiles.<br />- Et que fais-tu des cinq cent millions d'étoiles?<br />- Cinq cent un millions six cent vingt-deux mille sept cent trente et un. Je suis un homme sérieux, moi, je suis précis.<br />- Et que fais-tu de ces étoiles?<br />- Ce que j'en fais?<br />- Oui.<br />- Rien. Je les possède.<br />- Tu possèdes les étoiles?<br />- Oui.<br />- Mais j'ai déjà vu un roi qui...<br />- Les rois ne possèdent pas. Ils "règnent" sur. C'est très différent.<br />- Et à quoi cela te sert-il de posséder les étoiles?<br />- Ça me sert à être riche.<br />- Et à quoi cela te sert-il d'être riche?<br />- À acheter d'autres étoiles, si quelqu'un en trouve.<br />Celui-là, se dit en lui-même le petit prince, il raisonne un peu comme mon ivrogne.<br />Cependant il posa encore des questions:<br />- Comment peut-on posséder les étoiles?<br />- À qui sont-elles? riposta, grincheux, le businessman.<br />- Je ne sais pas. À personne.<br />- Alors elles sont à moi, car j'y ai pensé le premier.<br />- Ça suffit?<br />- Bien sûr. Quand tu trouves un diament qui n'est à personne, il est à toi. Quand tu trouves une île qui n'est à personne, elle est à toi. Quand tu as une idée le premier, tu la fais breveter: elle est à toi. Et moi je possède les étoiles, puisque jamais personne avant moi n'a songé à les posséder.<br />- Ca c'est vrai, dit le petit prince. Et qu'en fais-tu?<br />- Je les gère. Je les compte et je les recompte, dit le businessman. C'est difficile. Mais je suis un homme sérieux!<br />Le petit prince n'était pas satisfait encore.<br />- Moi, si je possède un foulard, je puis le mettre autour de mon cou et l'emporter. Moi, si je possède une fleur, je puis cueillir ma fleur et l'emporter. Mais tu ne peux pas cueillir les étoiles!<br />- Non, mais je puis les placer en banque.<br />- Qu'est-ce que ça veut dire?<br />- Ca veut dire que j'écris sur un petit papier le nombre de mes étoiles. Et puis j'enferme à clef ce papier-là dans un tiroir.<br />- Et c'est tout?<br />- Ca suffit!<br />C'est amusant, pensa le petit prince. C'est assez poétique. Mais ce n'est pas très sérieux.<br />Le petit prince avait sur les choses sérieuses des idées très différentes des idées des grandes personnes.<br />- Moi, dit-il encore, je possède une fleur que j'arrose tous les jours. Je possède trois volcans que je ramone toutes les semaines. Car je ramone aussi celui qui est éteint. On ne sait jamais. C'est utile à mes volcans, et c'est aussi utile à ma fleur, que je les possède. Mais tu n'est pas utile aux étoiles...<br />Le businessman ouvrit la bouche mais ne trouva rien à répondre, et le petit prince s'en fut.<br />Les grandes personnes sont décidément tout à fait extraordinaires, se disait-il en lui même durant son voyage."<br /><br />
"Le petit prince" (Antoine de Saint-Exupéry)